48 jours de la vie d’une femme, au Temps du Confinement.
Confiner en paix.
J’aimerais, si vous le, permettez, confiner en paix – (Manger, Grossir, Aimer). Faire la grasse matinée si je suis fatiguée. Perdre une journée sur Netflix si j’ai besoin de me vider la tête. Lire si j’ai soif de jolis mots et de bonne littérature. M’habiller tous les jours pareil. Avec le gilet offert par ma tante, en compagnie de ma mère à nos dernières vacances ensemble. La chemise @tenofjuly offerte par mon amie @stephanie.benenati. Les colliers oubliés par ma nièce. Le pantalon qui traîne à la maison depuis la dernière séance photo de @ml_bigot.
Besoin de Réconfort
Un pschitt du parfum de mon fils pour me sentir en famille. Manger des pizzas un soir sur deux. Parce que ça me fait du bien de lâcher prise. Et ne pas m’angoisser en pensant bikini body. Arrêter de culpabiliser devant des conseils beauté déconnectés du réel. Et toutes les incitations à l’achat. Instagram ne m’a jamais paru autant en décalage avec ce que je vis.
Loin de se confiner, les clichés, souvent sexistes, pulvérisent l’épreuve du confinement.
Cette photo de guenon poilue et répugnante: «Les meufs sans Sephora. Sans esthéticienne. Sans coiffeur, après le confinement». Nous l’avons toute reçue. Toutes ris. Toutes likée… Et pourtant. Est-ce que ce sera la seule image à retenir de cet arrêt de deux mois? Sa seule conclusion? Que les femmes ne sont rien sans quelques artifices. Les hommes au dessus de tout ça. Et qu’on a tous bien ri?
Les Hommes ménagés par les blagues.
Peu de photos d’hommes un peu plus bedonnants, un peu plus sel que poivre, un peu plus dégarnis, un peu plus décatis, circulent. Je n’ai pas reçu beaucoup de montages avant/après confinement d’un homme nu devant son frigo avec 20 kilos de plus. Aucun cliché de mecs hyper canons, abdos et muscles dehors, alanguis sur leur lit ou sous la douche.
Des Femmes Fantasmées, stéréotypées.
Par contre des jeunes femmes fatales, tous seins et fesses généreuses offertes, alanguies, oisives, désœuvrées, sur un canapé luxueux ou scrutant dénudées l’horizon au 46 ème étage d’une tour New New-yorkaise … Pas mal.
Polyphonie et Dichotomie.
Moi même, esthète, amatrice de tout ce qui est beau, je ne suis pas la dernière à suivre les comptes qui les mettent en avant, les aimer ou me poster en petite tenue. Polyphonie de mon discours qui peut paraître contradictoire, voir contrariant pour certains. Pourtant en ces temps de crise, où cette dichotomie explose, la frivolité et la légèreté portées fièrement par Instagram m’irritent … Momentanément. On verra après.
Trop de décalage par rapport à la réalité du moment. Mon humeur et mes envies ne sont pas là.
Alors que depuis le 17 mars, la France est sous cloche, en télétravail à la maison, là où la charge mentale se décuple, la femme se doit de rester impeccable maquillée, manucurée, épilée, brushés, habillée confort mais sexy… On a pu ainsi lire «Certaines ont fait le choix d’oublier le make-up. Si ce choix est compréhensif, rien n’empêche de sortir sa trousse à maquillage pour un appel vidéo. Ou «3 erreurs qui enlaidissent en Facetime»…
Le culte de la minceur
De même, le culte de l’extrême minceur ne se confine pas. Pour résister à la tentation du frigo, chacun y va de ses séances de sport en ligne. «10 conseils pour ne pas prendre 1kg par semaine», «Préparez votre bikini body», «on ne lâche rien, les filles» … illustrés par une photo de phoques échoués sr une plage, de ventre à pétrir au rouleau à pâtisserie ou de Winnie-the-Pooh bedonnant. Le business du bien être profite plus que jamais de la pandémie.
Une dissonance que certaines tentent d’atténuer.
Comme Daphné Burki ou Band Of Sisters, qui multiplient les posts contre l’exacerbation des violences conjugales. Ou toutes celles qui mettent à l’honneur le personnel soignant et les infirmières en avant.
Le Bon Moment pour changer ses comportements
Dans un monde où tout est en train de changer, où nous souhaitons un après confinement différent, ne serait ce pas le moment d’arrêter de faire culpabiliser les femmes, dont le rôle sur terre ne peut plus être cantonné à faire durer le désir masculin?
Toujours plus belle. Toujours plus mince. Quoi qu’il en coûte, quitte à se comparer à un idéal inaccessible … même confinées?
N’est-il pas temps d’arrêter de s’auto-flageller et se libérer de cette faille qui génère une insatisfaction dirigée vers l’achat?
Même coincée à la maison, il faudrait continuer à consommer (des cours de gym, des appareils de musculation, des crèmes de beauté, des soins…)?
Investir dans la tenue sexy qui fera tenir son couple ou appâtera le chaland en manque sur les sites de rencontres où la pénurie de chair fraîche se fait sentir? «Tu n’aurais pas 2-3 photos sexy de toi?»
Les marques de mode se mobilisent pour lutter contre l’épidémie.
Pour se donner bonne conscience de continuer à faire des affaires, on essaie de faire passer le message que le monde de la mode se mobilise contre le Coronavirus. Sézane, élevé au rang de modèle en terme de marketing d’image, d’éco-responsabilité et de proximité, en tête, évite la casse en reversant 10% de son chiffre de vente aux hôpitaux publics ou à la recherche.
Une couverture de crise faussée dans une société en crise
Cette couverture de la crise, je la ressens comme le signe du fossé qui se creuse partout, mais sur Instagram en particulier, prisonnier de son discours, qui s’adresse à une classe de privilégiées, en décalage avec la vérité du confinement de la majorité des femmes.
Instagram n’a jamais été le reflet de la vraie vie Et peut être très beau et très drôle aussi. Mais pour l’instant … J’aimerais confiner en paix.
Un petit air qui trotte dans ma tête.
«J’abandonne sur une chaise le journal du matin
Les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent
J’attends qu’elle se réveille et qu’elle se lève enfin
Je souffle sur les braises pour qu’elles prennentCette fois je ne lui annoncerai pas
La dernière hécatombe
Je garderai pour moi ce que m’inspire le monde
Elle m’a dit qu’elle voulait si je le permettais… » Stephan Eicher.Confiner en paix, Confiner en paix.