La théorie du tailleur pantalon
Le come-back de cette pièce emblématique du vestiaire féminin signe le retour (en force) du féminisme.
Depuis le mouvement Me Too il y a 3 ans, régulièrement, les féministes sont descendues dans la rue pour dire leur inquiétude et leur désir d’égalité. En l’espace d’un an, ce retour en grâce s’est radicalisé pour devenir parfois outrancier.
Ainsi, le 5 septembre dernier, la philosophe féministe Elizabeth Badinter a dénoncé dans une tribune au JDD la pensée binaire des militantes les plus radicales.
Hasard ou nécessité, alors que «les néo-féministes nous mènent tout droit à un monde totalitaire qui n’admet aucune opposition», les tailleurs-pantalons, vêtements de conquête, revendicatifs et presque guerriers, ont fait leur grand retour en mode.
Le tailleur pantalon, outil d’affirmation
Quelle meilleure illustration encore que le retour du tailleur pantalon dans le jeu politique avec le mouvement #pantsuitnation lancé pendant l’élection présidentielle pour soutenir Hillary Clinton?
Il est iconique de la libération/émancipation des femmes en réaction à une société conservatrice. Même si au matin du 9 septembre le réveil a été difficile, ce vêtement culte n’a pas été remisé au lendemain de la victoire de Donald Trump.
Un peu d’histoire
L’usage du tailleur pantalon comme outil d’affirmation n’est pas nouveau. Et correspond à des périodes de combat pour les droits des femmes.
Ainsi, il faut attendre la Révolution française pour voir apparaître l’association veste et pantalon. C’est alors un symbole populaire choisi par quelques citoyennes sans-culottes pour faire entendre leurs voix.
Au début du XXème siècle, il est l’apanage des lesbiennes et transgressives qui entendent braver les tabous.
Et dans les années 30, avec la montée du fascisme, il devient un uniforme de combat au service du progressisme.
Patou, Chanel et Yves Saint Laurent achèvent de le faire entrer dans le vestiaire des femmes.
Dans les 80’s, il sera ainsi le parfait compagnon de la working girl, prête à terrasser les open spaces et infiltrer en force les conseils d’administration.
Automne-Hiver 2020/2021
Ce vêtement extraordinaire qui porte en lui les combats féministes garde une aura sulfureuse.
Dans le même temps, son côté uniforme permet d’exprimer sa personnalité comme le ferait une toile neutre.
En 2020 son angle d’attaque est clair: Cogner fort. Monter en volume. S’affirmer sans plier.
Aujourd’hui, le tailleur pantalon est une pièce affirmative. Militante pour certaines.
Le tailleur 2020
Le must des tailleurs, celui qui remporte les suffrages dans les clubs chics ou les tribunes chocs, c’est le XXL. Vraiment oversize, la veste large d’épaules fait des épaules d’armoire à glace. La taille est effacée et le pantalon coupé 7/8ème.
Hors podium il me semble clownesque par ses proportions outrées, tasse si vous êtes petite, empâte si vous êtes voluptueuse. Mais peu s’avérer gracieux si vous avez les chevilles fines. En forçant à peine le trait, il permet un mouvement ample et libéré.
Dans la lignée des années 80, il bouleverse les volumes. Joue avec les longueurs et impulse une sorte de révolution.
A féminiser impérativement avec une paire de jolis talons (très hauts).
Mes tailleurs préférés
J’aime ces classiques du genre lorsqu’ils sont colorés (pastels ou tons vifs), à motifs (brocarts, pois, rayures) et surtout lamés voir pailletés. Mais pas démesurés au point d’être caricaturaux.
Il sont le socle propice à un exercice de style des plus amusants, comme accessoiriser un tailleur rose shocking à une chemise à carreaux vichy et mocassins dans le même imprimé. Et pourquoi pas le ceinturer avec un sac banane ou le porter à même un soutien gorge délicatement brodé?
Couleurs Pop
Pour rompre l’effet un peu empesé du total look, le color blocking s’avère une arme prodigieuse.
J’adore le camaïeu de rouge ou de rose. Mais pourquoi pas un joli vert bouteille ou émeraude?
Néo Classiques
Pour porter le costume sans avoir l’air d’un banquier de pacotille ou une femme d’affaires à l’ambition sans faille, il faut le porter comme un baggy ou une pièce sportswear. Donc pas de stilettos à la Victoria Beckham. Mais des cheveux décoiffés, des mocassins et des T-shirt loose.
Dans tous les cas, le tailleur donne une silhouette loin de la féminité surjouée et tout en clichés des micro robes moulantes et décolletés pigeonnants.
Femmes nées dans les années 70 et toutes les autres, réjouissons nous de ce retour du tailleur-pantalon. Car il est vital d’avoir une alternative. Ainsi drapée dans un costume fluide, on est bien plus à l’aise. Tailleur power!